Muret du père Crêpier : rejet du recours pour un motif de pure forme

Le bras de fer engagé par Vivre l’Ile 12/12 pour empêcher la démolition du muret protégé de la rue du père Crêpier au Vieil vient de s’achever d’une façon bien frustrante : alors que la cour administrative d’appel de Nantes avait fort logiquement annulé le permis en considérant que la protection juridique attachée à ce muret empêchait sa démolition, le Conseil d’État a annulé cet arrêt aux motifs que les statuts de l’association ne lui donnent pas intérêt à agir contre un tel permis. C’est la totale incompréhension.

En 2016, le maire de Noirmoutier-en-l’Ile délivrait pour une maison individuelle un permis de construire autorisant la démolition d’un mur de pierres au caractère patrimonial reconnu par la zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP). Vivre l’Ile 12/12 contestait ce permis en justice afin de faire respecter la ZPPAUP. Par arrêt du 16 février 2021, la cour administrative d’appel de Nantes lui donnait raison en annulant le permis de construire, constatant de façon parfaitement logique qu’une telle démolition allait parfaitement à l’encontre des enjeux patrimoniaux défendus par la ZPPAUP. Le bénéficiaire du permis formait néanmoins un pourvoi à l’encontre de cet arrêt devant le Conseil d’État, plus haute juridiction administrative française.

Rendu le 12 avril 2022, le verdict désole profondément les bénévoles de notre association : le Conseil d’État annule en effet l’arrêt d’appel, non pas en considérant juridiquement inexact son raisonnement quant à l’illégalité du permis de construire, mais en estimant que notre association n’a pas intérêt à agir contre un tel permis de construire. D’après le Conseil d’État en effet, les stipulations des statuts de l’association qui lui confèrent pour buts d’ « assurer la protection du patrimoine traditionnel », de « veiller au bon équilibre des intérêts humaines, sociaux, culturels, scientifiques, économiques, sanitaires et touristiques » et d’ « agir en faveur du respect du code de l’urbanisme, du code du patrimoine et du code de l’environnement » ne caractérisent pas un « intérêt suffisant pour demander l’annulation du permis de construire en litige ».

A se demander si les juges ont lu notre recours qui contestait ce permis précisément parce qu’il autorise la destruction d’éléments majeurs du patrimoine de l’ile…

Cette décision malheureuse s’inscrit hélas dans la lignée de régressions continues des possibilités d’action des associations à l’encontre d’autorisations d’urbanisme, matérialisées, en particulier ces dernières années, par plusieurs lois et décrets visant à complexifier les possibilités pour les associations de saisir la justice pour faire respecter le droit. Cette tendance, critiquée par plusieurs associations dont notre fédération nationale France Nature Environnement, interroge quant à l’effectivité du droit à la justice en matière d’urbanisme. Faire respecter le droit de l’environnement et du patrimoine sur le terrain, faute pour les autorités de le faire, devient désormais de plus en plus difficile pour nos bénévoles, naturellement découragés par une telle situation.