Le Gois

Article du Bulletin N° 39

Le Gois : L‘Histoire

On ne sait plus depuis quand le lent exhaussement des fonds marins de la Baie de Bourgneuf a permis le passage à basse mer de l’île de Noirmoutier au continent.
En 843, les Chroniques de Saint Brieuc mentionnent que des captifs, détenus sur l’île alors occupée par les Normands, pour s’échapper, se sauvèrent de l’île d’Her, la mer s’étant retirée.
Mais c’est seulement vers 1700 que les cartes et mémoires militaires mentionnent une route « qu’empruntent les gens de pied qui traversent de l’isle de Noirmoustier à la terre ferme du Bas Poitou quand la mer est basse ».
En 1788 on lit : « ce chemin est indiqué par des poteaux très élevés, plantés à cet effet, de distance en distance. Ces poteaux sont garnis de bâtons et surmontés d’une espèce de barrique pour servir d’échelle et retirer des personnes qui, dans ce trajet, seraient surprises par l’arrivée de la marée ». Il y avait 18 balises refuges.
En 1830, le passage du Gois est devenu « Chemin de grande communication n° 5 ». Vers 1850, il était jalonné par des piquets de bois et 9 grandes balises refuges.
La chaussée fut recouverte de macadam en 1872.

L’époque moderne :

En 1932 le Gois devient route nationale, la RIB 148.
De 1932 à 1935, on élargit et on pave le Gois, dont la chaussée était très détériorée. Des pavés carrés de 40 cm de côté et de 12 cm d’épaisseur sont posés. Les pavés sont posés en diagonale sur un fond de sable convenablement préparé. Les dalles de rive sont triangulaires, elles sont bloquées sur les bords de la chaussée par des palplanches, pieux en bois battus (enfoncés en frappant sur leur tête) dans le sable de chaque côté de l’ouvrage. Les joints, d’une largeur de 12 à 15mm, sont remplis de brai.
Depuis, de nombreux essais de revêtement, peu concluants, ont été tentés (enrobé à froid, à chaud, enduit, bicouche). Par exemple en 1981 : cette année là, de grandes dalles de béton de 9 m² sont posées sur une longueur de 500 m. Cette réfection était mal étudiée : on n’avait pas jugé utile de reprendre les rives de la chaussée, on s’aperçut rapidement que c’était une erreur car des tassements irréguliers apparurent rapidement.
À la suite du délabrement accéléré de la chaussée, rafistolée avec des rustines de goudron qui se disloquaient par plaques et venaient joncher l’estran, une nouvelle expérimentation est faite sur une vingtaine de mètres en 1992.
Les travaux ont lieu en hiver, la période la plus défavorable, et à l’endroit où le courant est le plus fort (côté Barbâtre, à 600 m de l’île). Des palplanches métalliques sont battues de chaque côté et recouvertes d’une poutre en béton de 80 cm de large afin d’ éviter le descellement des pavés par les pêcheurs à pied et d’empêcher les animaux marins de miner le sous-sol. Des pavés de 40 cm de côté, 12 cm d’épaisseur sont posés en diagonale et sans joint. Leur face inférieure a une loupe concave qui produit un effet de ventouse (comme pour les corps-morts). Ces pavés, d’un poids raisonnable (43 kg), permettent des réparations sans interventions lourdes. L’effet ventouse, entre autres avantages, permet de supprimer les joints (173 km de joints ! ) et de réaliser une économie appréciable.
Par ailleurs, notons que c’est en 2002 que se sont imposées dans le site les hautes silhouettes controversées des éoliennes de Bouin.

L’avenir :

L’estimation des travaux exécutés dans les conditions de l’expérimentation de 1992 se montait à 43 MF, la réalisation s’étendrait sur deux à trois exercices budgétaires. On comprend aisément qu’un tel budget n’est pas du niveau départemental et qu’il n’est pas possible de l’envisager sans l’aide de l’Etat.
Le classement du site, premier pas vers la distinction de Grand Site National, serait la seule façon d’obtenir un financement d’État.

Le Gois : Le classement

Les périmètres à classer proposés reposent sur la notion de perception visuelle et de préservation du paysage.

  1. Le site classé lui-même : c’est le “noyau dur” de la protection, il comprend une bande d’estran de 800m de large de chaque côté de la chaussée et les abords terrestres du Gois (entrées du Gois, polder de Sébastopol et île de la Crosnière).
  2. Le site inscrit : de protection beaucoup plus légère, il permettra de contrôler les projets pouvant toucher les abords du noyau dur défini ci-dessus.

Dans la plus grande partie du site, compte tenu de la proximité du rivage, les possibilités d’aménagement et de construction sont d’ores et déjà particulièrement limitées, voire impossibles. (Articles L. 146-2, L. 146-4-II et R. 146-2 du Code de l’urbanisme).

Classement ? Inscription ?
La loi de 2 mai 1930 sur la protection des monuments naturels et des sites de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque a institué une protection graduée selon l’intérêt des monuments naturels et des sites.
Le premier niveau de protection est l’inscription des monuments et des sites dont la conservation ou la préservation présente un intérêt général.
Le second niveau, plus contraignant est le classement.

Intérêt du classement et de l’inscription : le classement et l’inscription auront pour but la conservation et la préservation de ce site d’intérêt pittoresque, historique, scientifique et légendaire. Ils auront aussi des effets induits pour les communes de Noirmoutier et du continent :

  • ils permettent une meilleure préservation du littoral,
  • ils permettent de prétendre à des financements spécifiques “opération grands sites nationaux” destinés à améliorer l’intégration des aménagements et pallier les effets de la fréquentation,
  • ils constituent un vecteur de notoriété et d’image pour les communes concernées,
  • ils autorisent des retombées économiques pour les communes à travers le développement d’un tourisme de découverte, l’objectif étant de capter les flux touristiques sans nécessairement les fixer sur le site protégé.

Contraintes de l’inscription : l’inscription est en elle même une protection “légère” qui conduit essentiellement à une obligation de déclarer les travaux et aménagements non liés à l’exploitation et à l’entretien normal des fonds ruraux. L’inscription n’a pas de pouvoir de réglementer les activités économiques.

Contraintes du classement: les activités économiques au sein du périmètre d’un site classé ne sont affectées par le classement que si leur exercice ou leur développement nécessitent la réalisation de travaux de nature à détruire ou à modifier l’état ou l’aspect des lieux. Dans ce cas il faut une autorisation de l’État.
Le classement du site n’a pas d’incidence sur la réglementation des activités économiques elles mêmes.

Un décret tout récent le Décret n° 2004-310 du 29 mars 2004, Article 2, a bien précisé les modalités d’implantations sur les sites classés :
L’article R. 146-2 du code de l’urbanisme est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. *R. 146-2. – En application du deuxième alinéa de l’article L. 146-6, peuvent être implantés dans les espaces et milieux mentionnés à cet article, après enquête publique dans les cas prévus par le décret n° 85-453 du 23 avril 1985, les aménagements légers suivants, à condition que leur localisation et leur aspect ne dénaturent pas le caractère des sites, ne compromettent pas leur qualité architecturale et paysagère et ne portent pas atteinte à la préservation des milieux :
a) Lorsqu’ils sont nécessaires à la gestion ou à l’ouverture au public de ces espaces ou milieux, les cheminements piétonniers et cyclables et les sentes équestres ni cimentés, ni bitumés, les objets mobiliers destinés à l’accueil ou à l’information du public, les postes d’observation de la faune ainsi que les équipements démontables liés à l’hygiène et à la sécurité tels que les sanitaires et les postes de secours lorsque leur localisation dans ces espaces est rendue indispensable par l’importance de la fréquentation du public ;
b) Les aires de stationnement indispensables à la maîtrise de la fréquentation automobile et à la prévention de la dégradation de ces espaces par la résorption du stationnement irrégulier, sans qu’il en résulte un accroissement des capacités effectives de stationnement, à condition que ces aires ne soient ni cimentées ni bitumées et qu’aucune autre implantation ne soit possible ;
c) La réfection des bâtiments existants et l’extension limitée des bâtiments et installations nécessaires à l’exercice d’activités économiques ;
d) A l’exclusion de toute forme d’hébergement et à condition qu’ils soient en harmonie avec le site et les constructions existantes :

  • les aménagements nécessaires à l’exercice des activités agricoles, pastorales et forestières ne créant pas plus de 50 mètres carrés de surface de plancher ;
  • dans les zones de pêche, de cultures marines ou lacustres, de conchyliculture, de saliculture et d’élevage d’ovins de prés salés, les constructions et aménagements exigeant la proximité immédiate de l’eau liés aux activités traditionnellement implantées dans ces zones, à la condition que leur localisation soit rendue indispensable par des nécessités techniques.

e) Les aménagements nécessaires à la gestion et à la remise en état d’éléments de patrimoine bâti reconnus par un classement au titre de la loi du 31 décembre 1913 ou localisés dans un site inscrit ou classé au titre des articles L. 341-1 et L. 341-2 du code de l’environnement.
Les aménagements mentionnés aux a, b et d du présent article doivent être conçus de manière à permettre un retour du site à l’état naturel. »

L’ignorance de ces textes induit des inquiétudes vis-à-vis de la procédure de classement. Il est sûr que certains projets pharaoniques comme la construction d’une tour de verre à l’entrée du Gois ou l’installation d’un faisceau laser qui devait relier l’île au continent seront maintenant bloqués. Mais, les paysans, les ostréiculteurs, les hôteliers, etc., pourront continuer à travailler, ils pourront réparer leurs installations et les agrandir dans certaines limites.

Les actions de Vivre l’île 12 sur 12

Dès 1998 nous alertions Dominique Voynet, ministre de l’Environnement, au sujet des menaces qui se précisaient contre les sites du Gois et de ses abords (les polders de l’île et du continent). Nous demandions que pour préserver cet ensemble unique une procédure de classement soit entamée.
Le 14 décembre 1998, nous étions longuement reçus à Matignon par le Conseiller du Premier Ministre en matière d’environnement. Nous avions ainsi l’occasion de lui présenter en détail un dossier de classement du Gois et de ses abords. Le dossier était préparé avec l’Association pour la sauvegarde et la valorisation du pays de Gois, qui réunit des habitants de Beauvoir soucieux de l’environnement. Nous insistions sur l’urgence de l’opération : le classement permettait de geler définitivement les menaces qui planaient alors sur le polder de Sébastopol.
Nous poursuivions sans relâche notre harcèlement administratif et enfin, le 10 décembre 1999, l’association Vivre l’île 12 sur 12 participait à une réunion de travail au cours de laquelle la Direction Régionale de l’Environnement des Pays de la Loire et la Préfecture de la Vendée, après avoir mis en évidence les caractères historique, scientifique, légendaire et pittoresque du site du Gois, lançaient la procédure de classement du site du Gois. Ce classement devait être une étape vers la distinction tout à fait justifiée de Grand Site National.
Un Comité de pilotage auquel nous participions était mis en place, il permettait d’informer les élus et les différents acteurs de cette opération et devait aboutir, en concertation, à un projet de classement.
À la suite de ces travaux, le Conseil général de la Vendée demandait au bureau d’études SCE un « rapport final sur l’étude préalable au classement du site du Gois et de ses abords ». L’association Vivre l’île 12 sur 12, par lettre du 19 juin 2002, faisait parvenir ses remarques à Monsieur le Préfet et à Monsieur le Président du Conseil Général.
Entre temps les représentants de l’État, Préfet et Sous-Préfet, changeaient ; les politiques reprenaient toutes leurs détestables habitudes clientélistes.

Le 29 novembre 2002, nous étions convoqués à une réunion pendant laquelle la SCE devait présenter et commenter son étude. Las, en moins d’une heure le projet, amalgamé à Natura 2000 et au schéma routier Nord-Vendée (non prévus à l’ordre du jour), vigoureusement attaqué par les élus et des agriculteurs noirmoutrins et Belverins fut démantelé.

Un projet de classement minimum, réduit à la chaussée et à l’estran, fut décidé autoritairement. La décision prise ne correspondait plus aux critères de la Loi de 1930, la Loi littoral était encore bafouée (création de parking dans les 100m). Nous nous retrouvions face à un projet caricatural qui ne servirait qu’à drainer quelques subventions pour réparer le macadam.

Nous ne soutiendrons pas un tel projet.

Les membres du comité de pilotage n’étaient pas tous là, il n’y avait pas de fiche de présence, il n’y avait pas de secrétariat de réunion. Il n’y eut même pas de compte rendu de cette lamentable réunion.
Pendant ce temps, après les tempêtes de l’hiver 2003/04 qui, comme d’habitude avaient endommagé la chaussée, des fonctionnaires locaux, forts de l’indifférence de leur hiérarchie, sans étude d’impact préalable, accomplissaient des travaux qui malmenaient une fois de plus le site.
Il fallait recommencer et, une fois de plus, relancer !

Devant l’escamotage de ce projet de protection et de valorisation d’un des plus beaux sites de France nous faisions part de notre vive déception au Préfet de la Vendée et, à notre demande, nous étions reçus au cabinet du ministre de l’Écologie et du développement durable. Une inspection ministérielle était promise, elle devait rencontrer les acteurs de cette tragique farce.

Nous avons rencontré l’Inspecteur général chargé de rapport à la Commission des Sites en mai 2004 ; nous avons écrit au Président du Conseil Général pour rappeler les devoirs de nos élus en ce qui concerne la protection du patrimoine ; le Président de la Région a lui aussi reçu notre appel ; nous attendons les réponses de ces hommes politiques en charge de notre territoire.

Pendant ce temps, comme lors de l’hiver 2002/03, des initiatives locales incontrôlées vont être prises sur le site :

  • dans l’île, un parking situé à la limite du domaine public maritime est en train d’être aménagé sans plus de procès dans les 100m du bord de mer, un restaurant en ruine vient d’être vendu pour être remis en service,
  • sur le continent, des établissements sont agrandis ; le POS de Beauvoir est modifié.

Bientôt, pour une raison quelconque, on va s’apercevoir qu’il faut, en urgence, effectuer des travaux.
Tout semble fait pour qu’un site prestigieux, éligible à la distinction de Grand Site National, se banalise rapidement afin de pouvoir être commercialisé sans limite.
Malgré les menaces, inlassablement nous continuerons, cet été nous diffuserons sur l’île de Noirmoutier un document rappelant à tous les résidents la chance que nous avons d’être les dépositaires d’un site unique dans le monde.

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