Exploitation des granulats

Article du Bulletin N° 32

Granulats : matériaux de diverses grosseurs, essentiellement du sable, utilisés pour la construction.

Après enquête publique, une concession  a été accordée par décret préfectoral en date du 12 juillet 1999 à plusieurs sociétés.  La concession porte sur l’extraction de sables et de graviers, elle couvre un quadrilatère de fonds marins d’environ 8,2 km2, au Nord de l’île du Pilier, à égale distance (5 km) de la pointe de St.-Gildas et de la pointe de l’Herbaudière. Sa durée est de 20 ans.

Il est prévu d’extraire 70 millions de m3 (un cube de presque 500 m de côté) à l’aide d’une flotte de cinq navires équipés d’un système de dragage hydraulique.

Les municipalités et les associations s’étant inquiétées de l’impact de ces prélèvements sur la flore et la faune des milieux marins et surtout, des conséquences possibles sur l’engraissement en sable des plages et des dunes noirmoutrines, une Commission Locale d’Information et de Surveillance, CLIS, avait été créée. Elle devait se réunir une fois par an. Une première réunion avait été programmée le 15 décembre 2000.   L’insuffisance des documents fournis, en particulier le manque d’informations sur l’état initial du gisement qui aurait permis d’apprécier une évolution avait incité les professionnels de la pêche et “Vivre l’île 12 sur 12” a exiger une nouvelle réunion dans les plus brefs délais.

Pas de nouvelles jusqu’aux élections de cette année. Profitant du changement de gouvernement nous avons informé Madame Bachelot, la nouvelle ministre chargée de l’Environnement et du Développement Durable, de la défaillance des autorités préfectorales. Hasard ou efficacité, une convocation nous arrivait pour le 3 juillet 2002.

LES SÉDIMENTS DE LA LOIRE ET L’ÎLE DE NOIRMOUTIER :

Depuis plusieurs milliers d’année  l’île a grandi grâce aux sédiments transportés par la Loire. Ces matériaux divers se sont déposés au Sud d’une ligne Noirmoutier – l’Herbaudière, accrochés à  cet îlot rocheux qui constitue actuellement le Nord de l’île et qui les protégeait des courants Nord-Sud. Le matériau le plus lourd, le sable, a peu à peu formé le cordon dunaire qui s’étend de Luzéronde jusqu’à la pointe de la Fosse, les vases et autres matériaux plus légers se sont déposés dans les endroits les plus calmes et ont formé les vasières.

L’homme est ensuite intervenu, en construisant des digues sur la côte Est, il a créé les grandes zones de polders à l’origine de la plaine de Barbâtre et des marais plus au Nord. L’homme a aussi protégé les dunes en construisant des épis, des pêcheries, en plantant des pins… il a ainsi essayé de prévenir l’érosion de ces digues naturelles trop instables.

Un équilibre fragile s’était créé entre l’apport continu des sables provenant de la Loire et l’érosion du cordon dunaire, unique rempart qui protège les 2/3 de l’île situés sous le niveau moyen des mers (niveau de mi marée). Depuis quelques dizaines d’années cet équilibre semble rompu. La dune a reculé de quelques dizaines de mètres comme en témoignent les blockhaus construits au sommet des dunes pendant la dernière guerre mondiale et qui,par endroits, gisent maintenant au milieu de la plage.

Les raisons de ce recul sont vraisemblablement variées : abandon des moyens classiques de protection (épis, pêcheries), mauvais entretien des anciens épis, mauvaise conception des nouveaux épis, modifications inconsidérées du trait de côte et de sa nature (ports, enrochements), changements climatiques, et aussi, certainement, apports moins importants de sédiments de la Loire à la suite des importants prélèvements de sable faits pour satisfaire les besoins du bâtiment.

D’où l’intérêt de suivre attentivement et au besoin de limiter ces extractions de sable.

DES CHIFFRES IMPRESSIONNANTS :

2,4 millions de tonnes sont prélevées chaque année par les exploitants de la concession du Pilier. Ce sable approvisionne le Grand Ouest de la France, de Brest à Limoges.

Toutes les garanties avaient été fournies par les cabinets d’études mandatés par les exploitants, ils démontraient scientifiquement que les prélèvements n’auraient aucune conséquence sur le trait de côte de Noirmoutier : les sédiments prélevés seraient des sédiments fossiles présents depuis longtemps. Les courants qui approvisionnent en sable les plages de l’île n’auraient aucun contact avec cette zone, seule la zone de prélèvements serait affectée, etc, etc.

Et pourtant,deux  ans après l’arrêté préfectoral tout n’est pas aussi limpide.

Des contradictions énormes apparaissent entre les chiffres fournis et prévus et l’évolution de la topographie des fonds marins. Au cours de l’année 2001 les prélèvements ont affecté seulement 10% de la concession de 8 km2. La profondeur du “trou” devrait donc, dans les conditions annoncées par les bureaux d’étude, atteindre 2,5 m sur l’ensemble de la surface travaillée or il est partout inférieur à 1,6 m et même n’excède pas 1 m dans la moitié de la zone concernée !!!

Comment expliquer cette énorme différence ? Aucun des “experts” présents à la dernière réunion n’a pu donner d’explication !!!

– erreur des services chargés de la topographie ? c’est improbable compte tenu de la grande précision des instruments utilisés,

–  volonté délibérée de minimiser la vérité ? la concession doit rapporter de l’argent pendant 20 ans, l’esprit peine à imaginer l’énorme “trou” qui résultera de cette longue période d’extraction et il ne faut pas affoler les citoyens,

– comblement automatique du trou par les sédiments voisins ? ou par des sédiments nouveaux qui ne viendront pas engraisser nos plages ?

– …

Dans tous les cas, les bureaux d’études ont été pris au dépourvu et la preuve est faite que l’exploitation des granulats n’est pas neutre, que l’équilibre sédimentaire de cette zone est fragile et imprévisible (pour les experts), que toute modification de cet équilibre peut avoir des conséquences sur l’ensemble de la sédimentation dans la Baie de Bourgneuf.

La défense contre la mer est la priorité des priorités de l’île, à l’heure où des millions d’euros sont dépensés par la Communauté de communes pour le remblaiement de certaines plages, on peut se poser la question du maintien d’une exploitation dont on ne sait pas mesurer les conséquences.

Une autre réunion doit avoir lieu, rapidement on nous le promet, et avec des données plus claires. Compte tenu des énormes intérêts financiers en jeu nous serons particulièrement vigilants.

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